Trouble et motifs

Ma femme m’avait traîné de force à ce vin d’honneur. Une de ses amies se mariait. Et je détestais ça les mariages, les mondanités. Mon épouse volait ainsi de convives en convives. On se serait cru dans un épisode de Desperate Housewives tellement ça parlait de choses insignifiantes, tellement ça gloussait, grisées par l’alcool qui leur montait légèrement à la tête, aux plaisanteries rase-mottes, un rien polissonnes, d’un bellâtre endimanché qui jouait les séducteurs à deux balles. Moi, je ne connaissais personne.

Je m’ennuyais ferme avec mon verre de thé glacé dans une main (un peu de champagne, Monsieur – Non merci, jamais d’alcool) et un amuse-gueule trop sec dans l’autre. Et puis je l’aperçus, là, à quelques mètres de moi. Quelques mètres infranchissables parce qu’elle m’était inconnue. Le soleil dansait dans ses cheveux aux reflets auburns, élégamment noués dans une queue de cheval haute, un rien sophistiquée, révélant à mon regard indiscret la perfection de sa nuque.

Elle était de profil, en grande conversation avec une dame d’âge incertain. Elle portait une petite robe à bretelles à motifs fleuris, toute simple, contrastant avec ses escarpins alambiqués de 10 cm de haut et ses magnifiques boucles d’oreille qu’on jurerait empruntées à l’héroïne de Titanic. Je n’arrivais pas à détacher mes yeux des siens, d’un vert émeraude translucide. Elle se savait observée. Elle en avait probablement l’habitude. Elle ne se départissait pas de son sourire étincelant. Elle me coula enfin un discret regard, l’air de rien. Puis un autre, plus appuyé, me laissant peut-être espérer. Elle jouait machinalement avec le bas de sa robe. Le vent, lui, était plus taquin en s’immisçant dans son décolleté pigeonnant qui réveilla en moi un profond désir.

J’aime les poitrines opulentes, généreuses, et la sienne semblait m’inviter à la caresser, à l’embrasser, à promener mes mains sur son corps de sylphide et sur sa peau laiteuse. Tout en elle était sensualité, de sa bouche pulpeuse sur laquelle je me voyais fondre à son entrejambe que la lumière mettait impudiquement en exergue à la faveur de la trop grande transparence du tissu imprimé. Cela étant, benoîtement, j’hésitai à m’élancer vers elle, la peur de mal interpréter son attitude sans doute. Ce fut une voix féminine, hélas désagréablement familière, qui me ramena soudainement sur terre.

-Ca va? Tu es tout pâle. Et puis on dirait que tu n’as presque rien mangé…” Dans un effort surhumain, je détachais mes yeux de l’objet de mes convoitises. Je reposais l’amuse-gueule immangeable.

-Non, trop secs ces gâteaux apéritifs…

-Tu es sûr que ça va? Tu es blanc comme une aspro?

-C’est ce costume, cette chaleur…

-Tu veux qu’on rentre?

-Non, surtout pas…” J’avais crié, inconsciemment. Je ne voulais pas que ma femme m’arrache à mon rêve. Son expression interloquée me poussa à tempérer mon enthousiasme.

-Enfin, je veux dire, on a le temps. Vas-y amuse-toi ma chérie. Je m’assiérai si je me sens défaillir…” Défaillir oui, c’était bien là le terme le plus approprié. Surtout quand la ravissante jeune femme rousse à la robe fleurie finit par me proposer une flûte de champagne que je n’osai refuser. Ma compagne s’était éloignée pour vaquer à ses occupations. Moi aussi, je pouvais vaquer, vaquer au badinage… Elle était là, tout près de moi. Je me noyais dans ses prunelles, dans ce vert d’eau si intense.

-Vous êtes de la famille des mariés?

-Non. Euh… Enfin, oui… Ma femme… Je veux dire, c’est une amie de ma femme… Et vous?

-Je suis la cousine de Christelle… De la mariée si vous préférez.

Quel con! Je m’étais grillé tout seul. J’avais l’air aussi abruti qu’un adolescent à son premier rencart. J’étais gauche, hypnotisé par sa beauté.

-Et vous faîtes quoi dans la vie?

-Critique d’art…

Qu’est-ce qui m’avait pris de balancer ce mensonge? Pour me donner une contenance, l’impressionner peut-être. Mais gros malin, si elle avait été une intellectuelle, tu aurais vite été démasqué!

-Je n’vous imaginais pas artiste. Je ne décèle pas chez vous cette fantaisie, ce grain de folie qui habille les poètes ou les peintres. Vous êtes beaucoup trop sérieux…

Et pan! Prends ça dans les dents… Même en travestissant la vérité, je n’étais pas crédible. Elle me trouvait trop fade, limite ennuyeux. Les femmes aiment les types sûrs d’eux, qui les font rire aussi. Pas les p’tits mecs qui n’assument par leur désir de séduire…

-Je n’ai jamais dit que j’étais artiste. Je suis critique…

Mon à-propos l’impressionna. Son regard se fit plus profond, comme si elle cherchait à scruter les moindres recoins d’une âme torturée. Imperceptiblement, nos corps s’attiraient, se rapprochaient. Je pouvais humer son parfum, presque respirer sa peau délicate, au grain si velouté. Au milieu de cette foule, de ces bruits de jactance et des serveurs qui slalomaient entre les invités de cette garden-party trop guindée, le temps semblait suspendre son vol rien que pour nous. Pour dissiper son trouble, elle porta son verre à ses lèvres pulpeuses qu’elle trempa avec une infinie délicatesse dans le champagne millésimé.

-Vous n’buvez pas, me demanda-t-elle pour briser ce silence feutré qui s’était installé entre nous ?

Nos yeux ne se lâchaient plus. Je reposai mon verre sur le buffet qui nous jouxtait, sans me détourner. Elle me happait. Irrésistiblement. Même si c’était déraisonnable. Même si c’était fou.

-Non, je n’ai jamais aimé les boissons gazeuses ou alcoolisées, mais je goutterais volontiers la fragrance de ce nectar sur vos lèvres. Je m’étais lancé, sans réfléchir. Pas de gifle, c’était bon signe. Ce grain de folie qu’elle attendait, je l’avais semé pour elle. Nos habits se frôlèrent. J’enlaçais sa taille si parfaite pour briser la distance qui nous séparait et faire tomber les ultimes barrières qu’elle tentait de maintenir entre nous, pour ne pas que je crois qu’elle était une fille facile. Je ne l’ai jamais cru. Ou plutôt si, et c’était sans doute cela qui m’avait bloqué au début. La peur de ne pas être à la hauteur. Mais à présent, je m’en foutais, je l’embrassais à pleine bouche, à perdre haleine. De ces longs baisers passionnés que l’on ne voit que dans les films à l’eau de rose. Et pour une fois, le jeune premier, le héros, c’était moi. Elle ne me repoussa pas, au contraire. Elle se suspendit à mon cou. Elle se dégagea juste un instant pour me dire au creux de l’oreille :

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-Emmène-moi quelque part, n’importe où. J’ai envie que tu me fasses l’amour…

Mon désir pour elle grandissait contre son pubis encore enveloppé dans un écrin que j’imaginais en dentelle transparente, immaculée comme l’innocence des enfants qui arrachent les papiers-cadeaux enveloppant leurs jouets. Et cette phrase murmurée, ces seins plaqués contre mon torse ne firent que le renforcer. Oui, j’allais jouer de son corps presque diaphane, je voulais cueillir cette fleur, son bouton de rose. Je voulais m’enivrer d’elle… Alors, je pris sa main dans la mienne et l’entraînai à l’écart des indiscrets pour honorer sa requête. Je ne savais même pas son prénom… Nous étions pressés, avides de nous goûter mutuellement.

Je voulais tout, son corps, sa peau, son sexe, son être. Pour notre grande première, j’aurais souhaité un cadre plus idyllique, plus romantique, infiniment plus glamour que les toilettes publiques d’une salle polyvalente, fussent-elle aussi classieuses et cleans que celles où nous devions donner notre récital en vocalises majeures… Mais nos impatiences à consumer nos chairs nous poussèrent vers la première porte dérobée. Je la plaquai contre le mur de faïences d’inspiration méditerranéenne, j’emprisonnais ses mains dans les miennes, nos langues se liaient et se déliaient de délectation. Je caressais sa poitrine à travers le tissu qui l’enrubannait d’un voile de pudeur. Je descendis jusqu’à son entrejambe. Juste avec ma main pour l’instant. Elle dénoua ma cravate et déboutonna ma chemise pour effleurer mon torse de ses doigts brûlants d’incandescence. Cette incandescence que je pouvais lire dans ses prunelles irisées. Je l’embrassais dans le cou et lui chuchota à l’oreille, ornée d’un étincelant diamant :

-Tu es ma reine de coeur. Laisse-moi être ce roi qui te fera jouir…

Lorsque ses longs cheveux ondulés et teintés d’automne, que j’avais détachés dans l’étreinte, vinrent frôler mon visage, je sus qu’elle s’abandonnait à l’émoi de ses sens. En digne souverain de son corps, je patientais encore pour abattre ma carte maîtresse. Au toucher de cette pique étouffée par un carcan de rayures sombres, de cette dague qui n’aspirait qu’à l’explorer de toute part, je la sentais frémissante. Et j’étais prêt à l’aimer… Ses bretelles tombantes me livraient une vue panoramique plongeante sur les attributs de sa féminité. Je fis glisser le tissu imprimé de sa robe sur ses hanches et contempla de mes yeux, de mes mains, de ma bouche ses dunes blanches aux monts rosés, complètement dénudées.

Le soupir de contentement qu’elle émit sous mes caresses m’évoquait ce léger vent d’altitude qui souffle sur l’alpiniste avide de cette escalade vertigineuse à laquelle je m’adonnais. Mon voyage “initiatique” s’étendait depuis ce volant léger que je relevais pour parcourir ses cuisses fuselées jusqu’à cet obstacle de dentelle qui obstruait ma course frénétique. Je l’écartai donc pour me frayer un chemin dans l’exquise soierie naturelle et duveteuse de son sexe. Ma langue tutoyait ses tétons érigés, posés comme une gourmandise sur sa poitrine sucrée, pendant que mes doigts couraient de son bouton de rose à l’entrée de sa grotte. Un frisson hérissa tout son corps.

Le port de tête légèrement incliné en arrière, les paupières savamment fardées à demi-closes, les mains plaquées contre la paroi carrelée, elle laissa enfin mes glorieuses phalanges visiter son antre en mimant le chant des pluies. Le revêtement en teck huilé du meuble sous-vasque accueillit le séant de ma demoiselle. Je m’étais débarrassé de l’encombrant voile de dentelle; il gisait à quelques centimètres de nous, sur le sol marbré-granité. Le corps de celle qui l’avait porté m’appelait de ses désirs, et tel un rapace qui débusquerait sa proie, je plongeai en piqué sur cette forêt vierge qui s’offrait à mes sens. La tête entre ses cuisses, ma langue poursuivait ce doux voyage, cette lente exploration de sa cavité presque abyssale. Je butinais le pollen de sa fleur pour finir ma danse éphémère dans une lueur orangée, mise en exergue par l’éclairage ambré-tamisé que diffusait les leds colorés, et venir mourir sous son filet d’écume transparente. Je buvais ce philtre d’amour qui nous ressuscitait, et dont ses gémissements à peine audibles étaient le fruit. Je vins baiser ses lèvres glossées d’un carmin brillant et tombai le masque qui habillait mon sexe.

 

C’est fièrement dressé comme le mât d’un voilier en partance pour la plus romantique des croisières que mon bâton d’explorateur pénétra enfin et, grâce à mes fins éclaireurs, sans plus aucune résistance son exquise intimité. J’enfonçai mon glaive, ma lame jusqu’aux tréfonds d’elle-même, et le son de son extase fut sublime. La chaleur de son antre m’enivrait. Assoiffé d’elle, je voulais me saouler de tout son être jusqu’à ce que mon corps succombe à ce coma éthylique. Je n’étais plus moi-même. Ce type que je voyais dans la glace pilonner sans relâche la plus belle de toutes les femmes, c’était un autre.

Pour un baiser de sa princesse, le p’tit mec trop sérieux s’était métamorphosé en apollon du sexe. De toute façon, je ne pouvais plus m’enfuir. Elle m’enserrait la taille de ses talons aiguilles.

Imperceptiblement, les tressaillements de son corps trahissaient sa jouissance, celle-là même que sa gorge essayait de contenir. Notre joute charnelle était à son comble. J’allais venir. Mes mouvements de bassin se firent plus rapides et plus amples, comme si l’océan démonté se déchaînait sur l’île nue, prêt à l’engloutir de ses flots. Et dans un râle, le barrage céda, libérant en elle mon onde de submersion, l’inondant de mon plaisir. Je me retirai sdoucement, essoufflé par l’effort. Elle se leva, se pendit à mon cou pour m’embrasser. Mon sexe léchait sa chatte encore humide de notre ébat.

-Je voulais te dire…

-Audrey.

-Audrey, je voulais te dire que je ne suis pas vraiment critique d’art…

-Chut, répondit-elle en posant un doigt sur ma bouche, je n’veux pas savoir. Je n’veux rien savoir. Embrasse-moi.

Mon érection ne mit pas très longtemps à refaire surface, et quelque chose me disait qu’elle avait envie à nouveau d’être aimée. Alors, en gentleman, je ne me suis pas fait prier. Fin.

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